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Nine Antico nous fait découvrir sa Playlist
Nine Antico a choisi ses titres, concocté sa playlist très personnelle et fabriqué son émission… Une heure d’antenne pour la connaître un peu mieux et écouter sa voix. Fermez les yeux, c’est la radio de Nine Antico.
« Lay lady lay » par Bob Dylan
Une programmation musicale comme vous étiez dans la bulle de Nine Antico ou dans son comic strip. Vous avez peut-être déjà lu ses bandes dessinées Girls Don’t Cry, Autel California ou vu son film Playlist avec Sara Forestier, Lescop, et Bertrand Belin dans la voix du narrateur. La musique est très importante pour elle. Et elle a le privilège cette année d’être exposée au festival d’Angoulême qui débute le 24 janvier. Mais ce soir, c’est elle qui fait la programmation musicale.
Nine Antico : « Bob Dylan marque mon entrée en musique. J’avais 18 ou 19 ans. Je ne le connaissais pas du tout. Mes parents ne l’écoutaient pas. Et j’ai acheté une anthologie de lui chez Gibert Joseph à Saint-Michel à Paris. J’écoute le disque chez moi. Et je prends une claque monumentale, comme si je découvrais Rimbaud. C’est la première fois que je m’intéresse à la vie d’un chanteur. Je me mets à lire sur lui, à me passionner, et à me sentir concernée par sa façon qu’il a eu de fuir son milieu d’origine, d’avoir souvent réinventé son histoire, et de s’être construit la vie qu’il voulait d’abord en allant vers Woody Guthrie, puis en en faisant son nid à Greenwich village New York, dans les petits cafés où on jouait la folk. Cela m’a fait fantasmer et chaque morceau que j’écoutais me parlait. Alors même que je ne comprenais pas tout, loin de là ! Dans Lay lady lay, un passage me transperce le cœur, et me donne envie de me rouler en boule. »
« Out in the streets » par The Shangri-Las
« J’adore The Shangri-Las : elles ont un côté hyper sombre et intense. Et par rapport à toutes les chansons de teenagers sur les crush amoureux, elles ont vraiment apporté quelque chose d’obscure, et ont élevé le niveau. Dans le livret d’une de leurs compilations, elles racontaient que leur parolier, était Shadow Morton, un type qui venait de la rue. C’était vraiment un voyou qui avait fréquenté des gangs à Brooklyn. Il s’était donné comme défi d’écrire des chansons en se présentant dans l’immeuble des producteurs et en disant : « Ouais, moi, j’écris des chansons » alors qu’il n’en avait jamais écrites ! Un week-end, il s’est assis dans un garage sombre et poisseux avec des potes et ils ont écrit en très peu de temps « Remember (Walking in the Sand) ». Et ça a été tout de suite un tabac. C’est probablement grâce à ce mec qui venait d’un milieu différent qui a apporté une authenticité Shangri-Las. Malheureusement, la carrière du groupe s’est étalée que sur cinq années. Elles ne touchaient pas assez de royalties. Comme beaucoup de femmes, musiciennes ou interprètes, elles se sont fait « couillonner » et ont dû trouver d’autres métiers à côté. Et n’ont pas perduré dans la musique alors qu’elles avaient un talent de fou. »
« Secondo Cuorro delle lavandaie » par Roberto de Simone
« C’est mon morceau de soirée qui met tout le monde en transe. Je ne sais plus comment je l’ai découvert, mais c’était une révélation. Il dure longtemps et il est de plus en plus tribal. Ce morceau est du dialecte napolitain tiré d’un opéra composé par Roberto de Simone un compositeur musicologue italien très connu chez lui. Ce chœur des lavandières a été édité en vinyle parce qu’il avait dû capter qu’il y avait un potentiel de danse assez furieux. Il a été passé en discothèque et il avait fait un tabac. Ce morceau est une tuerie pour finir une soirée. »
« C’é la luna Mezzo Mare » par Lou Monte
« Mon père est italien et on allait chaque année dans les Pouilles. L’Italie fait vraiment partie de ma culture. J’ai découvert ce morceau dans Le Parrain I de Coppola. Mes parents avaient acheté le coffret de cassettes vidéo. C’était le début de la période où je m’intéressais un peu plus au cinéma quand j’étais enfant. Un soir, on regarde ensemble le film Le Parrain qui s’ouvre avec le mariage de Connie, la sœur de Michael Corleone. Et pendant le mariage, on entend des chants avec l’orchestre. Et ça me fait vraiment un effet de dingue parce que je me dis que cela pourrait être ma famille. Je sens que je fais partie de ce monde-là. J’ai enquêté pour voir si dans ma famille, on aurait migré aux Etats-Unis. Mais même si j’aurais bien aimé. Je me sens une petite affinité avec Coppola, Scorsese. Je me verrais bien être invitée chez eux et chanter avec eux en mangeant des spaghettis. À bon entendeur ! »
« Vendo Casa » par Lucio Battisti
« Un morceau qui accompagnait les trajets vers les Pouilles de ma famille. Il est vraiment poignant : un homme se retrouve seul chez lui après une séparation. Il parle de sa vaisselle sale qu’il n’arrive plus à faire, de sa mère qui l’engueule… Tout en parlant de choses très pragmatiques, Lucio Battisti décrit parfaitement ce qu’est la douleur de la tristesse après une peine de cœur. Et Battisti a collaboré pratiquement toute sa carrière avec un parolier, Mogol qui a le génie d’être dans l’intimité et de rendre puissantes les émotions de la vie, et les petites choses banales. C’est un chanteur qui m’accompagne. À la mort de Battisti, j’ai vu mes parents pleurer à sa mort. Même moi, j’ai pleuré. C’est la seule fois qu’on était triste de perdre quelqu’un qu’on n’avait jamais rencontré. »
« Du Pain et du Laurier » par Christophe
« Christophe, pour moi, c’est un peu l’équivalent de Battisti pour nous, les petits Français ! Cette chanson démontre que l’on peut faire un morceau en racontant qu’on va acheter du pain et du laurier ! C’est une bonne leçon. Et c’est pour ça que j’ai choisi ce morceau-concept. Christophe a ce talent de faire des morceaux avec trois phrases, mais aussi une voix à part. J’ai déjà essayé par exemple de le chanter en karaoké. Et c’est hyper dur parce qu’il faut vraiment avoir sa voix et sa particularité, sinon ça n’a aucun intérêt. »
« The Thing » par John Carpenter
« J’ai choisi un morceau pour faire plaisir à mon fils Marcello. Il adore John Carpenter, or il a sept ans et n’a rien vu de lui. Mais il l’a découvert grâce aux magazines de cinéma de son père qu’il a dévorés. Il a ensuite fantasmé au travers des photos sur ce qu’étaient les films de John Carpenter. C’est l’exemple de comment se crée l’imagination. C’est peut-être aussi le début d’un goût pour ce cinéma que j’ai envie de cultiver. Mais on ne va peut-être pas lui montrer Le village des damnés tout de suite ! »
Princesse Voiture par Sexy Sushi
« Mon prochain film s’appelle Femme au volant et ce morceau m’inspire. »
« La peau bleutée » par Charlene Darling
« Charlène Darling joue sous son nom, mais elle a aussi un groupe qui s’appelle Rose Mercy dont j’ai utilisé un morceau dans mon film Playlist. Je l’ai découverte quand elle était plus jeune. Elle avait écrit un petit journal sur les Shangri-Las. C’était la première fois que je lisais quelque chose sur le rapport à la musique d’un groupe mélangé avec des bribes de sa vie privée à elle. Ce lien m’a beaucoup inspiré. J’avais 20 ans, et ça a été un déclic pour moi. »
« What’s up girls » par Catisfaction
« Catisfaction est le groupe d’une de mes plus proches amies. Et What’s up girls, un morceau mis dans mon film Playlist, a donné une toute autre saveur à sa fin. Au départ ce devrait être un morceau de Daniel Johnston puisqu’il y a quelque chose de très mélancolique qui accompagne tout le film. Et là ce morceau d’empowerment de filles qui prennent l’espace sur le trottoir, qui veulent plus se faire emmerder… Et l’idée que les lumières du cinéma se rallument avec cette musique et que les spectateurs partent avec cette énergie-là, m’a convaincue. »
« Ivy » par Frank Ocean
« On ne sait pas pourquoi Frank Ocean n’a pas sorti d’album depuis 2016, alors qu’avec mes collègues d’atelier, on est toutes d’accords pour dire que toutes ses chansons de Blond sont des tubes ! Lui aussi a ce truc d’avoir des paroles bizarres, et alambiquées. Il est vraiment très libre dans ses paroles. Il a révélé sa bisexualité il y a quelques années et c’était courageux de sa part car dans son milieu, ce n’était pas très accepté. Et donc voilà, il nous manque et on voudrait qu’il revienne. »
« A team » par Lispector
« Lispector c’est Julie Margat que j’ai connue dans ma période où j’allais beaucoup en concert et que je dessinais et ensuite publier des fanzines en photocopiant les dessins de mes carnets. Je sais que pour elle, ce n’est pas facile de jouer en groupe, qu’elle n’est pas spécialement fan de la scène. Elle a vraiment ce côté solitaire et artisanal que j’aime beaucoup. Et il y avait un morceau qui m’avait fait la découvrir, dont j’étais fan et que j’avais utilisé pour mon court métrage Tonight : Winona Forever, le tatouage de Johnny Depp qu’il s’était lorsqu’il avait une belle histoire d’amour ave Winona Ryder, avant tous ses méfaits. »
« Tu t’en lasses » par La Femme
« On arrive malheureusement au dernier morceau et pour se quitter, je vous propose d’écouter un titre que j’ai écouté en boucle. Il est magnifique. Et il comporte un petit détail qui fait que je l’apprécie encore plus. C’est lorsque l’homme dit : « Dois-je laisser ma place à une autre qui attend ? » Et pour moi, cela fait basculer le morceau dans quelque chose d’un peu moins macho que si c’était un mec qui pouvait prendre sa place. »
Sa Playlist
- Lay lady lay / Bob Dylan
- Out in the streets / The Shangri-Las
- Secondo Cuorro delle lavandaie / Roberto de Simone
- C’é la luna Mezzo Mare / Lou Monte
- Vendo Casa / Lucio Battisti
- Du Pain et du Laurier / Christophe
- The Thing/ John Carpenter
- Princesse Voiture / Sexy Sushi
- La peau bleutée / Charlene Darling
- What’s up girls / Catisfaction
- Ivy / Frank Ocean
- A team / Lispector
- Tu t’en lasses / La Femme
Son actu
La dessinatrice a reçu Le Grand Prix Artémisia de la bande dessinée des femmes pour Madones et putains (Editions Dupuis), sa bande dessinée racontant le destin de trois femmes confrontées au monde machiste de l’Italie du XXe siècle. Une exposition lui sera consacrée au Festival international de la BD d’Angoulême du 25 au 28 janvier 2024.
Aller plus loin
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