Depuis plusieurs semaines, un site web frauduleux imitant le mouvement Ensemble circule sur internet, partagé principalement par des comptes sur X. Il propose une soi-disant « prime Macron » de 100 euros en échange d’un vote pour un candidat de la majorité présidentielle lors des élections législatives. Cette stratégie a pour but de faire croire aux électeurs que les députés macronistes cherchent à acheter des voix, de décevoir les plus crédules qui ne recevront jamais la somme promise et de récolter quelques données personnelles au passage. Ce site contrefait est l’un des nombreux exemples de campagnes d’informations orchestrées par la Russie, selon une étude du CNRS publiée le 1er juillet.
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Au bénéfice du RN
Parmi les autres exemples, il y a de fausses publicités de recrutement de soldats français pour l’Ukraine, diffusées sur les réseaux sociaux, ainsi que d’autres insinuant que la sécurité ne sera pas assurée lors des Jeux Olympiques. Pour propager ces messages anti-gouvernementaux, la Russie utilise notamment des bots, des faux comptes créés sur X. Florent Lefebvre, spécialiste de l’analyse de données, a montré dans une analyse publiée sur X et LinkedIn, l’existence de dizaines de milliers de bots X émettant parfois plus de 70 tweets par jour. La majorité de ces bots ont été créés en juin et ont une activité peu naturelle, selon lui.
Florian Lefebvre et ses travaux
Florent Lefebvre est un analyste de données connu pour ses travaux sur les réseaux sociaux et la détection des activités automatisées. Sa récente étude a mis en lumière l’utilisation massive de bots pour influencer le débat public en France.
Ces opérations ponctuelles, calquées sur l’actualité, sont accompagnées d’une longue opération de manipulation du débat politique en France visible notamment sur X (anciennement Twitter), explique David Chavalarias, mathématicien et auteur de l’étude du CNRS. Le but est clair : favoriser le Rassemblement National, dont les idées sont en phase avec les intérêts du Kremlin.
David Chavalarias et le CNRS
David Chavalarias est mathématicien et chercheur au CNRS. Il travaille notamment sur l’analyse des réseaux sociaux et les dynamiques politiques en ligne. Son projet Politoscope, en cours depuis 2016, observe les comportements militants sur X et fournit une représentation cartographique des débats politiques en France.
Attiser les clivages pour provoquer un vote émotionnel
Pour mener à bien ces campagnes de déstabilisation, les comptes liés au Kremlin exploitent l’architecture et le fonctionnement des algorithmes de X. David Chavalarias montre comment les Russes grossissent artificiellement la communauté dite “anti-système” du réseau social, laquelle agit comme une passerelle entre les communautés de gauche et celles d’extrême droite.
« Le but n’est pas d’attirer les électeurs de gauche vers l’extrême droite, mais de se situer à un point stratégique du réseau pour relayer des publications de manière efficace. C’est l’endroit idéal pour moduler le débat politico-sociétal en France », pointe le chercheur.
Cette communauté anti-système s’est particulièrement agrandie durant la pandémie de Covid-19 et comprend des personnalités comme Florian Philippot ou des figures des Gilets Jaunes, mais elle est aussi “infectée de bots russes”, selon David Chavalarias.
Ces bots cherchent notamment à intensifier les antagonismes entre les partis. Le conflit israélo-palestinien a été le déclencheur parfait pour cela. David Chavalarias mentionne un compte “piloté par le Kremlin”, influent sur X et parmi les plus retweetés en France. Ce compte, intégré à la communauté “anti-système” en 2020, s’est rapproché des communautés LFI en 2024, en exploitant les préférences algorithmiques et en publiant en masse des vidéos du conflit à Gaza.
Florian Philippot et les Gilets Jaunes
Florian Philippot est une figure politique française ayant évolué au sein du Front National avant de créer son propre mouvement, Les Patriotes. Le mouvement des Gilets Jaunes, quant à lui, regroupe des citoyens mobilisés contre l’injustice fiscale et sociale en France.
Le Kremlin a en partie imposé le terme d’« islamo-gauchisme »
L’étude s’attarde également sur le terme « islamo-gauchisme », souvent utilisé pour discréditer la gauche en l’associant à un islamisme radical. Ce terme, popularisé en 2021 après avoir été mentionné par Frédéric Vidal sur Cnews, circulait déjà sur X grâce à des comptes liés à la Russie, selon David Chavalarias.
« Le Kremlin a été l’un des artisans principaux de l’opération sémantique « islamo-gauchisme » jusqu’en 2021 », conclut le chercheur.
Cette stratégie de division affecte aussi les interactions sur X, isolant le Front Populaire de la communauté Renaissance, suggérant ainsi une scission plus que l’unité contre l’extrême droite lors des élections.
Frédéric Vidal et Cnews
Frédéric Vidal est un homme politique français qui a popularisé le terme « islamo-gauchisme » lors d’une interview sur Cnews. Cnews est une chaîne d’information en continu en France, souvent critiquée pour son traitement des informations.
Le glissement de X vers l’extrême droite
Ce phénomène est particulièrement visible sur X, où la modération est quasiment absente depuis le rachat de la plateforme par Elon Musk. Le « glissement vers l’extrême droite » de X a accéléré l’influence du Kremlin, observe David Chavalarias.
X n’est qu’un élément de l’écho médiatique de ces conflits entre partis républicains. Les débats sur la plateforme nourrissent également les médias traditionnels, notamment les chaînes d’information en continu, formant ainsi une « caisse de résonance idéale » pour la montée de l’extrême droite en France.
Elon Musk et X
Elon Musk est un entrepreneur américain ayant acquis X (anciennement Twitter). Les décisions prises sous sa direction ont considérablement modifié la modération et le fonctionnement de la plateforme, influençant le débat public.