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La gastronomie à l’ère des réseaux sociaux
Covid, franc fort, inflation et pénurie de personnel: le secteur de la restauration s’est heurté ces dernières années à de nombreuses difficultés. Mais parallèlement, l’intérêt pour la gastronomie n’a jamais été aussi vif, notamment sur les réseaux sociaux. A tel point que les grands chefs ont dû s’y mettre.
L’influence des réseaux sociaux sur la gastronomie
Que ce soit sur Instagram, TikTok ou Youtube, les comptes dédiés à la nourriture pullulent. Les influenceurs spécialisés dans la bonne chère sont de plus en plus nombreux, donnant leur avis, partageant des recettes et faisant émerger de nouvelles adresses à ne pas manquer pour se régaler.
Une nouvelle tendance à laquelle les grands chefs ne peuvent pas se soustraire s’ils souhaitent rester dans la course. Mais combien de temps, d’énergie et d’argent cela leur prend-il? Et surtout pour quels bénéfices? L’émission de la RTS basik révèle que sur les réseaux sociaux, les chefs étoilés ont parfois moins d’influence que les influenceurs eux-mêmes, grâce à la magie des algorithmes.
Le témoignage de Danny Khezzar, finaliste de Top Chef, sur l’utilisation des réseaux sociaux
Véritable tremplin pour les chefs en devenir
À seulement 26 ans, Danny Khezzar, finaliste de l’émission de M6 Top Chef cette année, est devenu une star culinaire avec plus de 280’000 abonnés sur Instagram et 100’000 sur TikTok. Il jongle entre son rôle de chef au restaurant Bayview à Genève, la gestion d’un restaurant éphémère à Paris, des événements gastronomiques et la préparation d’un prochain livre de recettes.
Le jeune chef mène une vie effrénée, avouant notamment ne dormir que quatre heures par nuit. Mais à côté, il trouve tout de même le temps d’alimenter lui-même son compte Instagram. Après le service du midi, il réalise avec l’aide d’un commis à la caméra des vidéos de cuisine gastronomique, montées sur son téléphone. Tournées en une vingtaine de minutes, ses courtes vidéos rencontrent un succès massif.
Ces vidéos ne sont pas étrangères au succès que connaît actuellement Danny Khezzar. C’est en effet grâce à ses 100’000 abonnés qu’il est repéré par les sélectionneurs de M6 et invité au casting de l’émission Top Chef. Ses victoires dans l’émission lui apportent des milliers de nouveaux abonnés et de nouvelles responsabilités. Il maintient une forte interaction avec ses fans, ce qui attire une clientèle nouvelle dans son restaurant.
Un recrutement de personnel facilité par les réseaux sociaux
En plus d’attirer une nouvelle clientèle, la notoriété de Danny Khezzar facilite le recrutement de personnel malgré la pénurie qui sévit dans la restauration. Il dit ainsi recevoir des dizaines de CV via Instagram quotidiennement. De plus, il réalise des collaborations lucratives avec des marques, pouvant gagner jusqu’à 5000 francs par vidéo d’une minute publiée sur Instagram.
La vision de Franck Giovannini, chef étoilé
Une approche plus traditionnelle des réseaux sociaux
Toutes et tous ne sont toutefois pas à l’aise avec les smartphones et les réseaux sociaux. A l’Hôtel de Ville de Crissier, le chef étoilé Franck Giovannini préfère par exemple laisser des professionnels gérer le compte Instagram du restaurant. Un photographe expérimenté prend les clichés et le directeur des opérations alimente le compte. Le chef garde toutefois la main en choisissant les photos à mettre en avant selon la saison ou la spécialité du moment.
Franck Giovannini comprend l’importance des réseaux sociaux mais ne veut pas que cela devienne une obligation. Il préfère soigner sa clientèle en passant du temps après chaque service à saluer les convives, une activité qui lui prend deux à trois heures par jour mais qu’il considère comme sa meilleure forme de communication.
Le rôle des réseaux sociaux dans le succès des chefs
Les réseaux sociaux semblent donc être devenus essentiels pour les chefs de restaurants gastronomiques. Sans compter que l’engouement pour la gastronomie a pris une nouvelle dimension avec les émissions télévisées et l’arrivée de comptes dédiés sur les réseaux sociaux. Sur Instagram, plus de 500 millions de publications utilisent le hashtag « food ».
La reconnaissance académique de l’importance des réseaux sociaux
Les critères d’influence sur les réseaux sociaux
Même la très classique EHL Hospitality Business School de Lausanne a compris que la maîtrise des codes de ces nouveaux vecteurs de communication est essentiel. Selon la professeure assistante de Marketing digital, la Dre Valentina Clergue, ce n’est pas la qualité des plats présentés sur les réseaux qui prime dans la course à l’influence, mais la quantité de publications et la notoriété de celles et ceux qui partagent les publications.
Les algorithmes derrière les réseaux sociaux choisissent quel contenu partager sur la base du succès probable qu’il aura. Cela signifie qu’un influenceur avec de nombreux abonnés aura probablement plus de succès, selon l’algorithme, et que ses publications seront montrées à plus de personnes. Cela signifie aussi que quelqu’un de moins suivi, de moins actif sur les réseaux sociaux, sera beaucoup moins visible.
Le cas de CaptainJules, vidéaste et influenceur culinaire
Le succès basé sur l’esthétique et la créativité
CaptainJules, vidéaste de formation devenu influenceur culinaire, a bien compris l’importance de poster régulièrement sur les réseaux sociaux, s’évertuant à tourner, monter et publier deux vidéos de son cru par semaine. Des réalisations reprenant tous les codes des réseaux sociaux.
Avec un grand nombre d’abonnés sur Instagram, YouTube et TikTok, celui qui est présent sur les réseaux depuis six ans a conquis un public grâce à des vidéos esthétiques, dont certaines sont devenues virales. Son succès lui a permis de conclure des partenariats rémunérés avec des marques, pour des vidéos mettant en avant leurs produits.
En somme, les réseaux sociaux ont un impact indéniable sur le monde de la gastronomie, donnant aux chefs l’opportunité d’atteindre une nouvelle clientèle, de recruter du personnel et de générer des revenus supplémentaires. Toutefois, chaque chef a sa propre approche de ces plateformes et certains préfèrent maintenir une distance par rapport à cette nouvelle réalité digitale.