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Le talent de Jean-Michel Quatrepoint
À l’heure dans la vie. En avance dans ses écrits. Comme tout journaliste, Jean-Michel Quatrepoint aimait prendre le pouls du monde et restituer fidèlement à ses lecteurs les battements de l’actualité. Avec ses acteurs, ses séquences, ses saynètes. Mais il consacrait généralement à cela son premier paragraphe dans ses articles ou son premier chapitre dans ses essais. Pas davantage. Non, lui s’intéressait en priorité à « ce qu’il se joue ».
La recherche du fil conducteur
Cette poignée de mots – maintes fois prononcée par l’intéressé – consistait à trouver le bon fil dans la pelote des évènements, l’enjeu principal dans l’embrouillamini des faits. Pas forcément à découvrir « le dessous des cartes », formule fétiche des journalistes fascinés par les grands de ce monde. Plutôt à comprendre les rouages parfois techniques d’une affaire pour saisir l’ensemble du Meccano et en découvrir sa potentielle charge historique.
Vision avant-gardiste
Dans La dernière bulle, publiée en septembre 2009, au lendemain du scandale financier de Lehman Brothers, il se joue, selon Jean-Michel Quatrepoint, non seulement la régulation future des bourses et des salles de marché comme tout le monde le conçoit, mais aussi le rôle à venir de la banque et de l’industrie. L’un doit prendre le dessus sur l’autre. L’auteur comprend bien la préférence des élites pour la finance et voit venir la crise d’après, celle de la production, des usines et du savoir-faire.
L’importance des « signaux faibles »
Dans Le choc des empires, en 2014, il se joue le prochain match entre la Chine et les États-Unis mais « JMQ » braque les projecteurs sur l’Allemagne. Et conclue avec prescience par cette idée à l’époque si contraire à la pensée dominante : le voisin d’Outre-Rhin n’a plus besoin de l’Europe et joue un jeu dangereux. Son énergie vient de Russie, sa sécurité découle des États-Unis, ses débouchés commerciaux se font en Chine. Drôle de triptyque à en juger par les événements récents.
Défense de l’indépendance stratégique
En août 2015, cette fois dans Alstom, scandale d’État, il raconte la liquidation de toute l’industrie française à travers la braderie de ce fleuron au bénéfice d’intérêts américains, sur fond de trahisons économico-politiques. Il se joue, cette fois, toute l’indépendance stratégique du pays, sa « souveraineté économique » selon l’expression devenue consacrée après la crise du Covid-19.
Un regard acéré et multidisciplinaire
Reste une question, jamais posée par l’auteur de ses lignes à Jean-Michel : comment expliquer cette vista ? L’expérience, évidemment. La méthode, aussi. Comme Karl Polanyi « encastrait » l’économique dans le social et le politique, Jean-Michel Quatrepoint combinait avec délice les rapports de force géopolitique avec l’univers impitoyable des affaires. Et puis surtout le talent.
Complément d’information : Karl Polanyi
Karl Polanyi est un sociologue et économiste hongrois. Il est connu pour son analyse de l’économie comme étant encastrée dans le social et le politique, remettant ainsi en question l’idée de la séparation pure et simple entre l’économique et les autres sphères de la société.