Sommaire :
Introduction à la Situation Politique et Médiatique
Les citoyens sont confrontés à des crises politiques constantes et à des conditions de vie déplorables.
Défis des Médias Indépendants à Madagascar
Contexte des Médias Malgaches
À Madagascar, la question des médias indépendants est complexe et non résolue. La majorité des organes de presse dépendent de personnes d’affaires ayant des motivations politiques, qu’ils soient proches du gouvernement ou de l’opposition.
Classement de la Liberté de la Presse
Selon l’indice 2024 de la liberté de la presse de Reporters sans frontières (RSF), Madagascar se classe 100ème sur 180 pays. En 2021, le pays avait fait des progrès significatifs en matière de liberté de la presse, se classant 57ème dans ce même indice. Cette chute marquée souligne l’ampleur inquiétante des restrictions de la presse sur cette Grande Île.
Reporters sans frontières (RSF): un organisme international basé à Paris, France, qui évalue la liberté de la presse à travers le monde et lutte pour la liberté d’expression.
Problèmes de Polarisation et Politisation
La polarisation et la politisation des médias ont également entraîné une quasi-disparition du journalisme d’investigation. Cependant, Damy Govina, une jeune journaliste, a relevé ce défi. En 2019, elle a fondé Independent Reporter, un média bilingue (français et anglais) axé sur les reportages d’investigation. Ce site d’information couvre principalement la politique, la culture, l’économie, les questions sociales, le sport, l’industrie, l’environnement, le tourisme et la diaspora malgache.
Damy Govina : une journaliste malgache connue pour son travail d’investigation et sa création du média indépendant bilingual “Independent Reporter”.
Interview de Damy Govina
Parcours Professionnel
Global Voices a interviewé Govina pour en savoir plus sur son parcours professionnel, sa motivation et sa détermination à s’aventurer dans un domaine aussi risqué.
Jean Sovon (JS): Comment êtes-vous devenue journaliste?
Damy Govina (DG) : Pour la petite histoire, je n’ai jamais été prédestinée à devenir journaliste. J’ai étudié les langues étrangères. Cependant, un jour, ma sœur a vu une annonce dans un quotidien local et m’a dit : « Toi qui aimes corriger les journaux, voici une offre d’emploi pour correctrice de journal. » Un an et demi plus tard, l’organe de presse m’a contactée pour faire un essai. Je suis entrée dans le milieu du journalisme du jour au lendemain. L’organe ne disposait pas de journaliste culturel alors on m’a proposé d’écrire sur la culture, et l’aventure a commencé. Malgré ma capacité à écrire sur d’autres sujets, je suis restée dans le journalisme culturel, qui m’a ensuite conduite au journalisme d’investigation.
Passage au Journalisme d’Investigation
JS: Pourquoi avez-vous choisi le journalisme d’investigation dans un pays où cette pratique reste rare?
DG : La soif de justice. Le pays n’a pas su se relever depuis près d’un demi-siècle d’indépendance. Nous cumulons les crises politiques avec des conditions de vie misérables pour la population. Il fallait donc se poser les questions de savoir pourquoi nous sommes dans une telle situation et comment on peut s’en sortir. C’est le journalisme d’investigation qui m’a donné les réponses, certes pas toutes, mais des réponses essentielles pour mettre une lumière sur la dégringolade de l’économie du pays, la mauvaise gouvernance centralisée, mais surtout sur un système politique flou.
Investigations Mémorables
JS: Quelles investigations vous rendent la plus fière?
DG : La plus marquante est une investigation sur les trafics de ressources naturelles. Je ne peux pas mentionner la boîte qui avait sollicité le service car c’était à titre confidentiel. La deuxième était une investigation sur la famine au Sud du pays dans des conditions difficiles. La dernière est l’investigation sur Bonne Viande de Madagascar (Bovima). Nous sommes fières de notre travail et attendons la suite de cette histoire.
Bonne Viande de Madagascar (Bovima) : une entreprise malgache spécialisée dans la viande, faisant souvent l’objet d’enquêtes pour ses pratiques.
Langues de Travail et Barrières Linguistiques
JS: Travaillez-vous en malgache et en français? Comment gérez-vous les barrières linguistiques en journalisme?
DG : Nous travaillons dans trois langues : le malagasy, le français et l’anglais. Nous effectuons nos investigations et nos interviews souvent en malagasy et ensuite, nous les transcrivons et traduisons en français ou en anglais pour les lecteurs internationaux. Cela prend du temps, mais cela n’a jamais été un obstacle pour le traitement de l’information.
Ministère de l’Éducation de Madagascar : l’organisme gouvernemental en charge de l’éducation, qui a rapporté un taux d’alphabétisation de 76,7 % en 2022 pour une population de plus de 30,5 millions.
Risques et Défis du Métier
JS: Quels sont les risques et défis de cette profession? Quelles sont vos stratégies?
DG : Les risques pour un journaliste à Madagascar incluent la peur des représailles ou de la prison. Les organes de presse appartiennent souvent à des politiciens, et la liberté de travail est minime. Ma stratégie est de rester neutre, respecter les cinq questions essentielles, toujours rester professionnelle et éviter de ne donner qu’un seul angle d’analyse.
Liberté de la Presse à Madagascar
JS: Comment est la liberté de la presse à Madagascar?
DG : C’est un sujet de discussion au sein de la communauté journalistique malgache. Le 3 mai 2024, lors de la journée mondiale de la liberté de la presse, l’Ordre des Journalistes de Madagascar (OJM) a souligné le manque d’accès à l’information comme un des principaux obstacles pour les journalistes malgaches. Il y a également l’autocensure par peur des représailles politiques.
Ordre des Journalistes de Madagascar (OJM) : une organisation qui représente les journalistes malgaches et milite pour une meilleure liberté de la presse.
Rôle de la Diaspora Malgache
JS: Quel rôle joue la diaspora malgache dans ce contexte?
DG : Nous avons une rubrique intitulée “Diaspora” où nous souhaitons mettre en avant les Malgaches à travers le monde. Ce n’est pas facile car il y a une certaine méfiance concernant “Qui est derrière vous?”. La diaspora n’a pas encore un rôle spécifique dans le journalisme.
La diaspora malgache : réside principalement en France, estimée à 140 000 personnes.
Malgré ces obstacles et menaces occasionnelles, Damy Govina est déterminée à utiliser son travail d’investigation pour montrer une autre facette de Madagascar.