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Un documentaire sur les stéréotypes visant les Asiatiques
« Bol de riz », « chinetoque »… Fille d’un père vietnamien, la journaliste Émilie Tran Nguyen (France Info, France 5) a connu ces insultes. Dans un documentaire conçu avec la réalisatrice Jessica Bagic, “Je ne suis pas chinetoque”, elle donne la parole à des Français d’origine cambodgienne, vietnamienne, chinoise… qui décrivent le poids, dans leur vie quotidienne, des stéréotypes visant les Asiatiques.
Ce film vif, intéressant, s’attaque à un sujet dont on parle peu. C’est justement, disent plusieurs des témoins interrogés par Émilie Tran Nguyen, la particularité insidieuse des préjugés anti-asiatiques : ils semblent ne choquer personne.
Comment est venue l’idée de ce documentaire ?
Le déclic a lieu en 2016, quand l’association Asiatiques de France me demande de participer à une campagne « Stop aux clichés anti-asiatiques ». Ça me paraît fou avec le recul, mais je n’avais jamais entendu cette expression « anti-asiatique ». À l’occasion de cette campagne, j’ai rencontré plein de Français comme moi, d’origine asiatique, et on a constaté qu’on avait vécu les mêmes expériences, qu’on était souvent ramenés aux mêmes clichés : on est « discrets », « travailleurs », « on se ressemble tous », « on mange des choses bizarres », on suscite la méfiance parce qu’on « ne fait pas de vagues », etc.
Au lieu d’être reconnu dans son individualité, un Français d’origine asiatique doit grandir avec ces stéréotypes. Sans parler de certaines expressions comme « l’alerte jaune » ou « le péril jaune » : on les trouve encore aujourd’hui dans les médias, on l’a vu au moment du Covid, sans que cela n’émeuve grand monde. On peut écrire sur les Asiatiques ce qu’on ne se permettrait jamais d’écrire sur d’autres minorités.
Comment l’expliquez-vous, dans une société pourtant sensible aux questions de discriminations ?
Un des intervenants du documentaire parle, pour le déplorer, de « racisme positif », comme si le fait de dire d’un groupe de gens qu’ils sont « travailleurs » ou « discrets » était inoffensif. Or, ces clichés finissent par vous ronger. Ils ont quelque chose de très condescendant.
Les personnes d’origine asiatique paraissent moins exposées que d’autres minorités aux violences ou discriminations…
Sans doute, mais ce serait une erreur d’entrer dans une sorte de graduation : ce n’est pas parce que d’autres subissent des formes de racisme encore plus violentes que ce racisme-là ne doit pas être regardé.
Le documentaire retrace aussi l’histoire de ces vagues de migrations, peu connue…
Oui, et c’est dommage ! Il y a eu des combattants pour la France pendant les deux guerres mondiales, des travailleurs forcés dans les campagnes, les familles fuyant la guerre d’Indochine, le génocide des Khmers au Cambodge, les boat people…
On mesure aussi le changement générationnel…
Nos parents ou grands-parents ont préféré se taire, ils avaient d’autres priorités, il fallait bâtir un avenir à leurs enfants. Ils ont fait mine d’accepter ces préjugés. Aujourd’hui, ils nous disent qu’on a raison de ne plus les laisser passer.
(1) « Je ne suis pas chinetoque », dimanche 4 février à 21 h 05 sur France 5.