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Franchement, à quoi ça sert, Facebook ?
Cette question vous est sans doute venue à l’esprit dans les années 2000, à mesure que l’album photo d’étudiants créé par un certain Mark Zuckerberg séduisait les Etats-Unis, puis le monde entier. Jusqu’à vous inscrire, « liker » des contenus, et devenir l’un des 3,98 milliards d’utilisateurs mensuels que comptait la plateforme en 2023, selon sa maison mère Meta.
« Je partageais n’importe quoi »
Alexia est une enfant de la « génération Facebook ». Inscrite en 2010 à 13 ans (« Il fallait avoir 14 ans, mais j’ai triché! »), la jeune femme se souvient du réseau social dont la version française a été lancée en mars 2008 comme d’une plateforme « révolutionnaire et indispensable »: « C’était mon premier vrai réseau social, si on ne compte pas MSN, les forums ou les sites de jeux en ligne comme Blablaland. »
Subitement, tous ces vénérables prédécesseurs étaient comme dépassés. « On pouvait communiquer avec tout notre entourage d’un seul coup », se rappelle Mathieu, inscrit dès 2008 à l’âge de 20 ans. « Le dimanche soir, on pouvait voir ce que les amis avaient fait le week-end, poster nos idées, nos humeurs, nos sentiments… C’était vraiment le prolongement de nos discussions du jour », se remémore Thomas.
« J’ai découvert la face cachée des gens »
Mais les ados qui découvraient Facebook en même temps qu’Internet ont grandi. Alexia, Hugo, Thomas… Tous les utilisateurs précoces de Facebook interrogés par franceinfo avouent publier beaucoup moins sur la plateforme qu’à leurs débuts. « Quand on est jeune, on a besoin de se montrer, de prouver des choses », sourit Hugo.
Le premier réseau social a été, pour beaucoup, le premier contact avec le concept d’empreinte numérique et ses conséquences parfois douloureuses – les histoires de licenciements pour des publications déplacées ayant fait office de vaccin. Désormais trentenaire, Mathieu est passé de l’autre côté de la barrière: « Quand je fais des recrutements, je regarde la page Facebook de la personne pour voir ce que je peux trouver. »
« Facebook, c’est un truc de vieux! »
Surtout, Facebook n’est plus seul en lice. Twitter, Instagram, TikTok, Snapchat… « Facebook fait aujourd’hui partie d’un écosystème de réseaux sociaux, au sein duquel les utilisateurs vont piocher en fonction de leurs pratiques et de leurs besoins », explique à franceinfo Anne Cordier, enseignante-chercheuse en sciences de l’information et de la communication à l’Université de Lorraine.
Cette pratique « à la carte » se retrouve dans les habitudes de Julie. « Sur Instagram, j’ai masqué ma story à presque toute ma famille, et sur Twitter, j’ai très peu de gens que je connais en vrai », explique Julie. Un compte Instagram « présentable » connu de la plupart des amis (et éventuellement quelques membres de la famille), un compte TikTok plus personnel axé autour d’intérêts particuliers, un autre compte confidentiel pour s’exprimer encore plus librement… Les possibilités sont infinies.
Une « madeleine de Proust » numérique
Pour autant, les conclusions sur « la mort de Facebook » sont démenties par les chiffres. Le nombre d’inscrits continue de grimper, notamment grâce à l’arrivée tardive d’un public plus âgé. Parmi ces nouveaux venus grisonnants, Claudette, 78 ans, s’est inscrite peu de temps avant le Covid. « Maintenant, j’y passe sans doute plus d’une heure par jour! », s’amuse-t-elle. Même certains critiques continuent d’y revenir.
Pourquoi continuer d’utiliser un réseau présenté comme dépassé ? Pour la plupart des utilisateurs interrogés, tout repose sur une fonctionnalité: les groupes et pages thématiques. Actualité de sa ville pour Claudette; informations sur les transports en commun pour Julie ; entraide locale ou recherche d’appartement pour Maeva ; groupes autour de personnalités telles que Thomas Pesquet pour Caroline… « C’est une fonctionnalité propre à Facebook, qui encourage un engagement très fort des utilisateurs », analyse pour franceinfo Philippine Loupiac, enseignante-chercheuse en marketing numérique à TBS Education.
La plateforme fait aussi office de site web pour des artistes, commerces ou organisations qui n’ont pas forcément d’autre présence en ligne. C’est le cas de l’association de Marie, qui sensibilise au sujet d’une maladie ORL rare, le syndrome de Minor. « Grâce à Facebook, j’ai trouvé des gens du monde entier qui connaissaient ma pathologie, et nous avons pu créer un lieu d’échange et de partage », explique-t-elle.
Mais se focaliser sur un « déclin » de Facebook serait oublier que certains de ses principaux remplaçants, comme Instagram, WhatsApp ou Threads… appartiennent au même groupe, Meta. Son fondateur Mark Zuckerberg avait prévenu ses employés dès 2012, raconte le site spécialisé Wired: « Si on ne crée pas la chose qui tue Facebook, quelqu’un d’autre le fera. » La mue du doyen des réseaux sociaux est encore loin d’être achevée, pour le meilleur comme pour le pire.

