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Fin des Memes décentralisés
Le mercredi 24 janvier, les deux administrateurs des comptes Facebook, Twitter et Instagram de Memes décentralisés ont annoncé que c’était fini. Depuis plusieurs années, ils publiaient des images humoristiques mettant en valeur les régions de France.
Une réponse à l’hypercentralisme parisien
Contre cet hypercentralisme parisien, certaines personnes ont décidé de répondre non sans humour et de mettre les différentes contrées du pays à l’honneur. Parfois aux dépens de la capitale et de la région francilienne, mais toujours avec le sourire.
C’est ainsi qu’est née, en juin 2018, Memes décentralisés. Un meme (ou mème, car les journalistes aiment les accents), c’est une image détournée à but humoristique, pour faire court. Internet en foisonne : elles peuvent reprendre des extraits de films, des photographies de chatons, ou encore des phrases rigolotes. Et même l’horrible rond-point Droits de l’Homme à Reims (Marne).
Une popularité grandissante
France 3 Champagne-Ardenne avait déjà évoqué cette démarche dans un article datant de 2020. Aujourd’hui, 171 000 personnes aiment la page Facebook, 246 000 autres personnes se sont abonnées au compte Twitter, sans oublier les 434 000 abonnements au compte Instagram.
L’occasion d’en parler était toute trouvée et avait été offerte sur un plateau (avec champagne) par André Da Silva, originaire de Vendreuve-sur-Barse (Aube). Développeur informatique à temps partiel le jour et co-administrateur des Memes décentralisés la nuit, il avait eu beaucoup à dire à l’époque.
Un bilan et des questionnements
« C’est assez classique », explique l’administrateur. « On en a un peu marre de travailler sur Internet, entre guillemets. » Car, oui, vu le temps investi dans ce projet, on peut parler de travail sans exagérer : gestion de la communauté, conclusion de partenariats, recherches et conceptions des fameux mèmes… « Sur le plan personnel, c’est dur à gérer. On travaille tout seul chez soi. C’est surtout le cas de Gabriel [Kaikati; ndlr], qui est à 100% dessus, c’est son projet principal. »
André Da Silva, lui, exerce un métier en parallèle et ressentait un peu moins la pression. Mais ce n’était pas facile pour autant. « Il y a aussi le fait que ça fait cinq ans qu’on fait ça. Et on les sent. On n’avait plus trop l’inspiration. On s’est donc demandé si on allait continuer sur cette lancée, ou partir en beauté, tant qu’on fait encore les choses correctement. »
C’est cette option qui a prévalu. Inutile de trop tirer sur la corde, ont estimé les deux compères. « On voulait partir sur une bonne fin. Pas question de transformer le compte en truc un peu nul, où on forcerait notre humour et devrait les gens. » Par exemple en reprenant la blague très (trop) utilisée sur Troyes (Aube) et le chiffre trois.
Des projets annulés
Cette fin de Memes décentralisés a une autre conséquence : l’annulation d’un projet littéraire. « On avait pour projet de sortir un livre », précise André Da Silva. « On a beaucoup travaillé sur ce bouquin, une encyclopédie de la France avec plein de petites anecdotes et de choses à apprendre sur les différentes régions de la France. On avait pas mal de chose à organiser, et des rendez-vous. Maintenant qu’il n’y a plus ce projet, ça va pas mal changer notre quotidien. »
Les deux administrateurs ont gardé la tête froide et n’avaient pas signé de contrat. S’ils l’avaient fait, ils se seraient retrouvés engagés et auraient dû poursuivre Memes décentralisés malgré la motivation et l’inspiration en baisse.
La question financière
Les Memes décentralisés engrangeaient quelques revenus, mais assez succincts. « Quelques sponsorisations, des ventes [de T-shirts ou ce genre de choses; ndlr]… Mais ces revenus étaient instables. On avait arrêté notre boutique : ça devenait trop cher pour les gens, et en même temps, ce n’était pas rentable. On n’allait pas vendre un pull à 40 euros pour faire trois euros de marge dessus. »
André Da Silva complétait son salaire avec Memes décentralisés quand c’était possible. En tout cas quand il y en avait assez pour lui et son acolyte Gabriel. Ainsi, franchir le Rubicon et passer officiellement de créateur de contenu à influenceur aurait été nettement plus rémunérateur.
Le plaisir de faire rire
Mais les deux administrateurs étaient là pour faire rire. « C’est notre contenu qu’on voulait mettre en avant, pas nos têtes, même si on se montrait de temps en temps. » Mais pas jusqu’à vouloir devenir de vulgaires hommes-sandwichs. « La grande mode maintenant, c’est de faire des vidéos courtes et montrer sa tête, présenter des produits, s’engager. » Pas pour eux. « Memes décentralisés, ce n’est pas nous. On a notre vie à part. »
L’argent, c’était accessoire. Le principal pour les deux administrateurs était de faire rire, et de garder intacte leur motivation. Sans un public conquis et l’envie de poursuivre, il valait mieux dire au revoir.
Une satisfaction et des rencontres
La plus grande satisfaction, « c’est d’avoir fait rire des gens, pendant toutes ces années. C’est quand même long, cinq ans, pour un compte sur les réseaux sociaux. » Il n’y a qu’à voir les nombreux messages de soutiens et de remerciements reçus.
« Avoir mis un peu de baume au coeur, avoir agrémenté le quotidien des gens, été utile à leur moral, c’est la meilleure chose qui soit. Et il y a aussi les rencontres qu’on a organisées. » Gabriel Kaikati et André Da Silva ont en effet organisé deux véritables ginguettes à La Faîte, dans les Vosges, ainsi qu’un tour du sud de la France. « Il avait duré dix jours et on avait payé l’apéro et le barbecue à tout le monde. »
Quand le virtuel amène à du réel… « On a même vu des couples se former, on s’est fait des amis. On a rencontré énormément de gens. C’est chouette de se dire que tout ça est parti de blagues sur Internet. »
Poursuite des activités à Grenoble
À commencer par le lien très fort qui le lie à son ami Gabriel. « C’est toujours la bonne entente : encore hier, on buvait un coup ensemble. On est copains pour la vie. On se voit régulièrement, on passe notre temps ensemble, vu qu’on habite à côté. » À Grenoble (Isère). Et justement, cette ville va maintenant être concernée par la suite de leurs activités.
Vers Memes grenoblois
« On travaille toujours sur Memes grenoblois ». Là aussi disponible sur Facebook (27 000 j’aime), sur Twitter (quasiment 3 000 personnes abonnées), et sur Instagram (50 000 abonnements). « C’est plus facile à gérer. Et on a plus de réseaux là-bas que dans toute la France. »
« On se sent plus légitimes à parler de Grenoble. On y vit, ça nous touche plus. Ça pouvait devenir difficile de savoir parler de toute la France, sans tomber dans le cliché facile. Localement, on peut suivre la politique municipale, on peut suivre l’actualité. »
Une fin définitive ou une pause?
La question que beaucoup de fans se posent, c’est s’il s’agit d’une fin définitive ou d’une pause plus passagère. Mais André Da Silva n’a « malheureusement » pas de réponse tranchée. « Nous-mêmes, on ne le sait pas encore. Pour l’instant, c’est une fin. Mais on n’a pas supprimé le compte, il reste accessible. Il ne faut jamais dire jamais. »
Toutefois, « le compte Memes décentralisés qu’on a connu, c’est la fin. Mais ce n’est pas la fin de nos mèmes et de nos créations sur Internet, en tout cas. » Il suffira de se pencher du côté grenoblois.