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L’équipe de Mediapart
« L’équipe, pour l’essentiel, a entre 25 et 45 ans, j’en ai 71. Il est normal que ça vive », avait-il expliqué mi-février sur France Inter. Le nom de la personne qui lui succédera sera officialisé jeudi. Lui quittera la présidence du site d’investigation mais continuera à y écrire.
C’est « l’homme qui incarne depuis 40 ans l’investigation dans les médias », a souligné Mediapart lundi en inaugurant une série de podcasts sur « dix enquêtes mythiques qu’il a écrites ou supervisées ». Il a signé « quelques-uns des plus beaux scoops de l’histoire de la presse française », saluait en 2010 le journal québécois Le Devoir, en citant le scandale Rainbow Warrior, bateau de l’organisation écologiste Greenpeace saboté par les services secrets tricolores en 1985.
Le parcours d’Edwy Plenel
Mis sur écoute par une cellule de l’Élysée sous François Mitterrand dans les années 80 en raison de ses enquêtes pour Le Monde, Edwy Plenel a été directeur de la rédaction du quotidien de 1996 à 2004, avant de cofonder Mediapart en 2008. Avec sa moustache et son regard malicieux, il en a été le visage pour le grand public, au rythme des affaires révélées par ce média craint des politiques.
De Cahuzac à #MeToo
L’une des plus retentissantes, fin 2012, coûte sa tête à Jérôme Cahuzac, ministre socialiste du Budget qui a menti sur son compte secret à l’étranger. Sous Nicolas Sarkozy, Mediapart a enquêté sur les relations de proches du Président avec la milliardaire Liliane Bettencourt ou sur les soupçons de financement libyen de sa campagne.
Outre les scandales politiques, le site a été en pointe dans le traitement des violences sexuelles et du mouvement #MeToo. C’est l’une de ces enquêtes, sur Luc Besson, qui a provoqué la fureur de l’ex-compagne du cinéaste, la réalisatrice Maïwenn. Début 2023 dans un restaurant parisien, elle avait craché sur Edwy Plenel en lui tirant les cheveux, ce qui lui a valu 400 euros d’amende.
Une autre polémique a opposé le patron de Mediapart à Charlie Hebdo fin 2017, sur fond de fracture de la gauche autour des notions d’universalisme et de laïcité. Le journal satirique avait taxé M. Plenel de complaisance envers l’islamologue accusé de viols Tariq Ramadan, et l’avait caricaturé se fermant la bouche, les yeux et les oreilles avec sa moustache.
Outré, il avait dénoncé « une campagne générale […] de guerre aux musulmans ». Après ces propos, qu’il regrettera ensuite, le directeur de Charlie, Riss, l’avait accusé de « condamner à mort une deuxième fois » sa rédaction, décimée par l’attentat islamiste de 2015.
Engagements et critiques
Au fil des ans, celui qui a influencé plusieurs générations de journalistes s’est attiré des critiques. En 2022, l’acteur Gérard Darmon lui reprochait ainsi de se comporter en « juge » et en « policier ». M. Plenel, lui, disait en 2018 : « Pentagon Papers, un film hollywoodien, fait du journaliste un héros démocratique. En France, et je le vis depuis des décennies, on fait de ce journalisme-là le symbole de l’anti-France, d’influences de la CIA, de l’islamo-gauchisme ».
Engagements passés
Très tôt, il a été marqué par l’anticolonialisme. Vice-recteur de Martinique de 1955 à 1960, son père avait été sanctionné pour avoir fait un parallèle entre des émeutes à Fort-de-France et la Révolution française de juillet 1830.
Autre engagement de jeunesse, le trotskysme. C’est à Rouge, journal de la Ligue communiste révolutionnaire, qu’Edwy Plenel commence sa carrière en 1976. En 1972, sous le pseudonyme de Joseph Krasny (« rouge » en russe), il y avait écrit un texte qui fera polémique 40 ans après. Il appelait à « défendre inconditionnellement » les militants du groupe palestinien Septembre noir, dont un commando avait tué onze athlètes israéliens aux JO de Munich.