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Avec l’AI Act, l’UE tente de protéger les droits d’auteur des IA génératives
Vendredi 2 février, l’Union européenne a voté l’AI Act, une loi visant à encadrer l’utilisation de l’intelligence artificielle. Cette nouvelle législation comprend une règle portant sur la vérification de la propriété des données utilisées par les algorithmes, une mesure très attendue par de nombreux journaux. Cette décision intervient quelques semaines après que le New York Times a engagé des poursuites contre OpenAI pour violation de droits d’auteur. Il s’agit de la première fois qu’un média aussi influent poursuit un créateur d’IA, ce qui remet en question les contours juridiques encore flous de l’intelligence artificielle.
Le cas du New York Times contre OpenAI et Microsoft
Le 27 décembre 2023, le New York Times a déposé une plainte devant le Tribunal Fédéral américain contre OpenAI et Microsoft. Le NYT accuse ces deux entreprises d’avoir violé leurs droits d’auteur en utilisant des millions d’articles pour entraîner des technologies d’intelligence artificielle. Le principal reproche du New York Times concerne la violation de ses articles et donc de sa propriété intellectuelle. Le média américain tient ces entreprises responsables de « milliards de dollars de dommages-intérêts légaux et réels » liés à « la copie et l’utilisation illégales des œuvres d’une valeur unique du New York Times ». Par exemple, une enquête du NYT sur les taxis new yorkais qui a demandé plus de 18 mois de travail a été utilisée par ChatGPT sans citer le média. Cette utilisation non autorisée des articles par les chatbots représente un manque à gagner important pour les journaux traditionnels, qui risquent de voir la fréquentation de leur site considérablement diminuer.
Outre les enjeux financiers, le New York Times soulève également les risques de désinformation, intentionnelle ou non, posés par les IA de Microsoft. En effet, les « hallucinations » de l’IA sont une limite de cette technologie émergente. Il s’agit d’un phénomène où les chatbots insèrent de fausses informations dans leurs réponses et les attribuent de manière erronée à une source. La plainte expose plusieurs cas de ce genre, comme la réponse donnée par le Bing Chat de Microsoft à la requête « les 15 aliments les plus sains pour le cœur », qui prétendait citer le New York Times alors que 12 aliments sur 15 n’étaient pas mentionnés dans l’article du journal.
Les précédents d’OpenAI
Il convient de souligner qu’il ne s’agit pas de la première fois qu’OpenAI est accusée. Depuis juin 2023, cette entreprise a fait face à au moins cinq plaintes déposées par des auteurs pour avoir entraîné ses IA sur des écrits sans autorisation ni dédommagement. Parmi les plaignants figurent l’Authors Guild, une association regroupant plus de 14 000 écrivains américains, qui s’est associée au créateur de Game of Thrones. L’actrice Sarah Silverman, les romanciers et essayistes Jonathan Franzen et John Grisham, ainsi que l’agence de photographie Getty Image ont également intenté des actions en justice pour préserver leurs droits d’auteur. OpenAI risque de devoir indemniser les plaignants jusqu’à 150 000 $ pour chaque violation de droit d’auteur, ainsi que de supprimer les données litigieuses. Ces procès pourraient avoir des répercussions déterminantes sur l’avenir des IA et poser les premiers fondements juridiques de la propriété intellectuelle entre les technologies génératives et les auteurs.
Louis Turpin pour le Club Droit de l’AEGE
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