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Les guerres racontées par les vainqueurs
Une guerre sans témoin extérieur
Le déluge engendré par les massacres des hordes barbares du Hamas le 7 octobre en Israël sera raconté par les Israéliens. Une guerre sans témoin extérieur dont le métier, précisément, est de décrire la réalité sous ses yeux. Sans parti pris.
Aucun journaliste n’a été autorisé à entrer à Gaza, ni du côté israélien ni du côté égyptien de la bande de territoire d’une quarantaine de kilomètres de long. La guerre se passe à huis clos.
Une justification controversée
Principale justification de ce black-out : l’armée israélienne ne pourrait pas assurer la sécurité des envoyés spéciaux étrangers. Les médias israéliens, eux, sont interdits de mettre les pieds à Gaza depuis 2005 à cause des risques d’enlèvements.
À l’intérieur de l’enclave bouclée et pilonnée massivement, plus d’une trentaine de personnes travaillant comme journalistes dans des médias palestiniens ont péri. Les images, sons, récits qui circulent proviennent de sources palestiniennes impossibles à vérifier et notamment les bilans publiés par le Hamas qui chiffre le nombre de morts à plus de neuf mille dont un très grand nombre d’enfants.
« Les attaques disproportionnées de l’armée israélienne pourraient constituer des crimes de guerre » selon les Nations unies. Il n’est pas certain que cette suspicion déshonorante tracasse beaucoup Benyamin Netanyahou. Le chef du gouvernement ne serait pas le seul à fermer les yeux.
Des priorités changées
Les Israéliens sont si traumatisés, si profondément sidérés par un sentiment de vulnérabilité qui s’est emparé de leur nation, que les valeurs démocratiques passent forcément au second plan des priorités. Leur urgence absolue aujourd’hui est d’aller terrasser un ennemi mortel – les islamistes armés à Gaza, particulièrement dans les tunnels dont une partie passe sous des immeubles.
La liberté de la presse suspendue
Le risque de contagion
Détruire cet ennemi est devenu une question de vie ou de mort. Comme jamais depuis la Shoah. Dans ce contexte de combat existentiel, la liberté de la presse – l’exercice du droit d’informer au milieu des civils de Gaza – n’apparaît plus comme droit essentiel.
Depuis le 7 octobre tout est en suspens en Israël. Or, jusqu’à présent, ce pays cultivait une réelle singularité dans une région si névralgique ; Israël était le seul à accepter des points de vue contradictoires véhéments sur la scène publique.
Les précédents historiques
Certes, de tous temps, la tentation a été grande de museler la presse lors des conflits. Pas plus loin qu’en 1991, pendant la première guerre du Golfe, nous, reporters français, avons accepté de travailler sous la censure des militaires tricolores. Chaque soir, à l’hôtel Novotel de Riyad, nos reportages étaient visionnés par le service audiovisuel des armées qui vérifiait qu’une image – ou un son – n’était pas gênante dans la perspective de l’attaque sur l’Irak de Saddam Hussein.
Lors de la seconde invasion de l’Irak en 2003, les Américains avaient inventé un système encore plus pernicieux. Les journalistes autorisés à raconter la guerre devaient être « embeded » (bed signifie lit en anglais). La France ayant refusé de participer à la guerre de Georges W.Bush, nous avons été dispensés d’être « bordés »… comme dans un lit. À nous de nous débrouiller, sans sécurité particulière, malgré les Conventions de Genève incombant aux occupants.
La guerre psychologique
Aujourd’hui, à Gaza, les protections dues aux civils dans les fameuses Conventions ne sont-elles pas lettres mortes et sans témoins professionnellement neutres ? Dans ce schéma, le Hamas fera son propre récit de la guerre en nourrissant les pires accusations d’atrocités et en attisant les désirs de vengeance dans les cultures musulmanes, notamment. La guerre psychologique n’est pas à mésestimer. Cette guerre-là n’est pas gagnée pour les Israéliens.
Un pays démocratique comme Israël ne peut s’affranchir du soutien de l’opinion publique internationale. Laisser la presse faire son travail – à ses risques et périls – est un enjeu crucial.