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L’élection en Hongrie en 2024 : un contexte tendu
L’année prochaine, les Hongrois se rendront aux urnes le même jour pour élire à la fois des responsables locaux et des représentants au Parlement européen. Ces élections se dérouleront dans un contexte de forte division entre la Commission européenne et la Hongrie, en raison du mépris persistant de cette dernière pour les valeurs de l’UE et des manœuvres pro-Kremlin et pro-Pékin du Premier ministre Viktor Orbán.
Viktor Orbán consolide son pouvoir
M. Orbán devrait aborder l’année 2024 en position de force. En avril 2022, il a consolidé son pouvoir en remportant une victoire écrasante sur une opposition politique unie. Son parti, le Fidesz, s’est fixé pour objectif de réduire le score obtenu par l’opposition hongroise lors des dernières élections municipales, au cours desquelles elle a pris le contrôle de la capitale, Budapest, et de plusieurs autres grandes villes.
La désinformation sur Facebook
La décision d’organiser les deux élections – européennes et municipales – le même jour et d’axer une grande partie du débat sur la prétendue « ingérence étrangère » de Bruxelles et des Etats-Unis complique la tâche du maire de Budapest, Gergely Karácsony, et des autres principaux candidats de l’opposition. Ils devront faire face à un paysage médiatique déséquilibré en leur défaveur. Au cours des treize dernières années, Viktor Orbán et son parti, le Fidesz, ont développé une emprise sans précédent sur les médias.
Les réseaux sociaux infiltrés par des trolls
Maintenant qu’il contrôle l’espace médiatique traditionnel, le gouvernement hongrois s’intéresse aux réseaux sociaux, en particulier Facebook. Le centre de réflexion Political Capital, basé à Budapest, a révélé une prolifération croissante de l’activité des trolls sur ce réseau social. A ce jour, ils ont infiltré plus de 450 groupes publics dans tout le pays, de manière apparemment coordonnée, et en mettant l’accent sur la capitale Budapest. Le maire de la ville, Gergely Karácsony, et d’autres personnalités de l’opposition sont les principales cibles de la désinformation diffusée au sein de ces groupes, souvent sous la forme d’articles de presse pro-gouvernementaux qui discréditent l’administration municipale. Compte tenu de l’utilisation croissante de « faux profils » et de l’ampleur de leur activité, il n’est pas déraisonnable d’affirmer que nous approchons d’un point où ils pourraient menacer l’intégrité des élections de 2024.
Des profils faux et coordonnés
Political Capital a pu déterminer que presque tous les profils en question sont faux. Leurs photos de profil et de couverture proviennent presque invariablement de pages de personnes étrangères existantes. Elles sont principalement prélevées sur un réseau social russe, VKontakte, ou parfois de sites de rencontres russes, bulgares ou ukrainiens.
L’activité de ces profils est très ciblée. Ils amplifient les messages du gouvernement et diffusent de fausses informations et des contenus diffamatoires visant les partis et les hommes politiques de l’opposition, tels que M. Karácsony et d’autres. Ces comportements, presque identiques d’un profil à l’autre, suggèrent une forme de coordination centrale.
La responsabilité de Facebook
Lors de la publication de ces données, en septembre, les chercheurs ont constaté que les URL erronées de certains profils avaient été corrigées du jour au lendemain pour correspondre à leur identité supposée sur Facebook, confirmant ainsi, involontairement, qu’il s’agissait bien de faux profils coordonnés.
Seule la société propriétaire de Facebook, Meta, peut révéler l’origine et la localisation de ces profils en masse et les supprimer. Nous en avons fait la demande et avons souligné que, si ces profils ne sont pas contrôlés, ils pourraient s’enraciner dans des groupes communautaires et étendre leur influence à d’autres utilisateurs de Facebook et, surtout, à des électeurs potentiels.
L’influence de la stratégie russe
Le recours à des trolls pour manipuler des réseaux sociaux est une triste indication de la direction prise par la Hongrie sous Viktor Orbán. En 2021, Reporters sans Frontières a accusé Viktor Orbán d’être un « prédateur de la liberté de la presse » et, avant les élections de 2022, des journalistes d’investigation ont découvert qu’un fonds hongrois finançait à hauteur de plusieurs millions d’euros des personnalités pro-gouvernementales sur les réseaux sociaux afin qu’elles relaient les messages du gouvernement. Une coalition mondiale de journalistes a, par la suite, révélé que le gouvernement hongrois utilisait le logiciel espion Pegasus pour surveiller les journalistes, les propriétaires de médias et les hommes politiques.
Ce à quoi nous assistons en Hongrie, à travers cette offensive sur les réseaux sociaux, est l’intensification d’une stratégie qui semble inspirée par celle du Kremlin. La menace qui pèse sur les élections de 2024 et sur l’avenir même de l’espace public dans notre pays est bien réelle.
Conclusion
Péter Krekó, Csaba Molnár et Ráchel Surányi sont experts au Political Capital Institute de Budapest, en Hongrie. Cet article est basé sur une étude présentée au Forum 2023 de Budapest.