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Saisi par l’association Reporters sans frontières, le Conseil d’État demande à l’Arcom de faire respecter la diversité des courants de pensée et d’opinions sur CNews
L’association Reporters sans frontières a saisi le Conseil d’État pour dénoncer le manque de pluralisme et d’indépendance de CNews vis-à-vis de son actionnaire Vincent Bolloré. Le Conseil d’État a ensuite enjoint à l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) de veiller à ce que la chaîne respecte la diversité des courants de pensée et d’opinions, ainsi que de comptabiliser les temps de parole de tous les intervenants, y compris les chroniqueurs, animateurs et invités.
La loi de 1986 qui régit ce domaine est jugée floue et obsolète, ne prenant pas en compte les évolutions des chaînes d’information et la prédominance des médias d’opinion. Il y a une confusion entre les politiques et les journalistes, notamment avec le terme « éditorialiste » utilisé pour des personnes qui n’ont aucun lien avec la presse. Le Conseil d’État rappelle à l’Arcom qu’elle doit jouer son rôle pour garantir la liberté d’expression et ne pas exclure les personnalités politiques qui ne sont pas affiliées à un parti, mais qui ont une influence sur l’opinion publique.
Analyse d’Alexis Lévrier, historien des médias
Alexis Lévrier, historien des médias et maître de conférences à l’Université de Reims, considère que cette décision du Conseil d’État est historique. La loi de 1986 est datée et contient des zones d’ombre, notamment en ce qui concerne le calcul des temps de parole. Il souligne le besoin de clarifier le rôle des différents intervenants sur les chaînes d’information, en mentionnant l’exemple de Philippe de Villiers, qui est à la fois intervenant sur CNews et personnalité politique. Alexis Lévrier voit aussi cette décision comme une opportunité de réserver le terme « éditorialiste » aux journalistes, reconnaissant ainsi leur rôle spécifique dans la fabrication de l’information et de l’opinion.
Application à tous les médias audiovisuels, y compris les médias publics
Alexis Lévrier souligne que la décision du Conseil d’État s’applique à tous les médias audiovisuels, y compris les médias publics. Il réfute les arguments de l’extrême droite qui prétendent que cela restreindrait la liberté d’expression. Selon lui, cette décision permettra de vérifier si les médias publics invitent effectivement des personnes de gauche, ce qui réfuterait l’argument de CNews selon lequel ils seraient dominés par le gauchisme. Il attire également l’attention sur la difficulté actuelle de respecter scrupuleusement le temps de parole des politiques, notamment en ce qui concerne les interventions des élus locaux.
Les défis à relever par l’Arcom
L’Arcom dispose de six mois pour mettre en place de nouvelles règles. Cette échéance est un défi, car il faut élaborer des règles claires et compréhensibles, sans complexifier le système. Alexis Lévrier souligne que l’Arcom n’est pas inactive et rappelle qu’elle a déjà adressé des remontrances et infligé des sanctions financières à C8 et CNews. De plus, une révision de la convention est en cours, puisque la fréquence des chaînes n’est pas la propriété des actionnaires privés, mais de l’État, et est concédée en échange du respect de certaines obligations, telles que le pluralisme et l’indépendance de l’information.
Clarifier les rôles et garantir l’autonomie des journalistes
L’Arcom devra préciser le cadre de son action et clarifier les rôles de chaque intervenant sur les chaînes d’information. Alexis Lévrier approuve la décision de ne pas prendre en compte les journalistes dans le calcul des temps de parole, soulignant l’importance de préserver l’autonomie et la singularité de leur profession. Cependant, il mentionne l’existence d’un entre-deux pour certaines personnes présentes sur CNews dont le statut de journaliste n’est pas clair. Il appelle également à une transparence pour tous, y compris les universitaires, afin de mieux connaître les engagements politiques des intervenants.
En conclusion, il est essentiel de garantir la diversité des courants de pensée et d’opinions sur les chaînes d’information, tout en respectant les règles de transparence et d’indépendance de l’information.