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Des affiches de campagne qui créent la polémique
Dans les dernières semaines de la campagne présidentielle de 2012, une ambiance électrique règne au sein de la rédaction politique de France 2. Les assistantes du service décident d’afficher les affiches de campagne des différents candidats dans l’open space. Tout se passe bien jusqu’au moment où l’affiche de Marine Le Pen est également accrochée. Un journaliste réagit vivement en arrachant l’affiche fraîchement posée. L’assistante responsable est sévèrement réprimandée, avec pour argument que « nous sommes le service public, t’imagines si on lit dans Le Canard enchaîné que les journalistes politiques de France 2 ont placardé l’affiche de Le Pen dans leur bureau ! Poubelle ! ». Humiliée, la jeune femme quitte le bureau en pleurs.
Cette anecdote illustre un parti pris « anti RN » qui n’a jamais été formellement édicté par personne, mais qui se vérifie élection après élection, journal après journal, interview après interview.
Les accusations de parti pris médiatique contre le RN
Depuis le début de la campagne des élections européennes, le parti de Jordan Bardella dénonce régulièrement ce qu’il considère comme une injustice médiatique de la part de l’audiovisuel public. Récemment, le président du RN a accusé France Info de mener une « campagne contre [sa] liste ». Le déclencheur de cette polémique a été un bandeau provocateur diffusé en direct dans la matinale de France 2, le mercredi 10 avril, avec pour titre : « Européennes, la baudruche Bardella ne se dégonfle pas. » Jordan Bardella a rapidement réagi en déclarant que « le service public, pourtant payé par l’intégralité des Français, a donc décidé de mener campagne contre ma liste, la seule en capacité de battre Emmanuel Macron. »
En janvier, l’émission « Complément d’enquête » sur France 2 avait consacré un reportage au président du RN, intitulé « Jordan Bardella : le grand remplaçant ». Ce reportage, basé sur quatre sources dont trois anonymes, affirmait que le leader du RN avait géré un compte Twitter sous pseudonyme entre 2015 et 2017, sur lequel il aurait diffusé des messages à caractère raciste et homophobe, ainsi que des insultes envers des journalistes. Le seul intervenant non anonyme du reportage avait dénoncé un « montage trompeur » et affirmé qu’il n’avait « aucune idée de qui tenait le compte ». Ces informations ont été fermement démenties par Bardella.
Peu après la diffusion de ce reportage très critiqué, le directeur de l’information de France Télévisions a émis une directive surprenante, en demandant aux journalistes des magazines d’investigation de suspendre leurs enquêtes concernant les figures politiques jusqu’aux élections européennes. Cette décision a soulevé des interrogations sur le timing de cette directive.
Des tentatives d’apaisement et des tensions persistantes
Après une série d’interviews houleuses, la direction de France TV a décidé d’inviter le président du Rassemblement national à déjeuner, dans le but d’apaiser les tensions. Durant cet échange, le directeur de l’Information du groupe a admis certaines erreurs, notamment en ce qui concerne le ton employé lors des interviews, et a expliqué la décision de suspendre temporairement les enquêtes sur les figures politiques suite à la diffusion du reportage controversé sur Bardella.
Cependant, malgré cette tentative de trêve, la relation tumultueuse entre le Rassemblement national et l’audiovisuel public continue de se détériorer. L’affaire récente de la « baudruche » a ravivé les suspicions et accentué les tensions entre les cadres du RN et les journalistes de l’audiovisuel public. Certains journalistes de Radio France, qui préfèrent garder l’anonymat, admettent même que « sur les ondes de France Inter ou de France Info, certains journalistes semblent véritablement en croisade contre le RN. »
Un parti pris lié à la privatisation de l’audiovisuel public ?
En dehors des considérations idéologiques, il est légitime de se demander si derrière ce parti pris, il n’y aurait pas également une volonté des journalistes du service public de combattre des figures politiques qui affichent leur intention de privatiser l’audiovisuel public. Un projet qui figurait d’ailleurs dans le programme électoral de Marine Le Pen. Le traitement récent réservé au RN a fini de convaincre les dirigeants du parti que « l’écart entre le service public et la réalité du suffrage des Français, dont beaucoup ont voté pour Marine Le Pen, est stupéfiant ». Ils réclament donc « simplement un traitement équitable. »
Il est donc possible que ce contexte tendu entre le Rassemblement national et l’audiovisuel public explique en partie l’incident des affiches de campagne dans la rédaction de France 2.