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Fabrice Arfi, coresponsable du service enquêtes de Mediapart
Fabrice Arfi est coresponsable du service enquêtes de Mediapart, et il est connu pour avoir été à l’origine de grandes affaires médiatiques telles que Woerth-Bettencourt, Karachi, Sarkozy-Kadhafi, Cahuzac, etc. Dans cet entretien, il parle de son travail de journaliste d’investigation et de l’importance du journalisme dans la société. Il évoque également son livre-enquête sur l’arnaque à la taxe carbone, qui a été adapté en série par Xavier Giannoli.
La collaboration avec Xavier Giannoli
Quand Fabrice Arfi a commencé à écrire sur l’histoire du carbone pour Mediapart, Xavier Giannoli a souhaité le rencontrer. Ils ont commencé à déjeuner ensemble et ont sympathisé. Ils partagent tous les deux l’amour du cinéma de Scorsese, et c’est lors d’un de ces déjeuners que Xavier Giannoli a fait découvrir à Fabrice Arfi le journal de John Boorman, qui parle des Affranchis. Cette découverte a influencé le livre de Fabrice Arfi et a été citée en clin d’œil à Xavier dans le livre. La série adaptée du livre de Fabrice Arfi, intitulée D’argent et de sang, est diffusée sur Canal + le 16 octobre.
Le regard sur l’affaire après l’écriture de la série
Fabrice Arfi confie que la série lui a permis de découvrir ce que la fiction peut apporter au journalisme. Il est convaincu que parfois, il y a plus de vérité dans une œuvre de fiction que dans un document ou un essai. Il a pu observer que les auteurs de livres touchent à des vérités intimes et il voit cela comme une transposition possible pour le journalisme. La création du personnage du patron de la douane judiciaire, qui n’existe pas dans la réalité, a été nécessaire pour aborder les vérités de l’affaire. Ce personnage est un mélange de plusieurs personnes réelles, dont des magistrats et le propre travail d’enquête de Fabrice Arfi.
Le documentaire Les Rois de l’arnaque
Fabrice Arfi confirme qu’il a vu ce documentaire sur le même sujet que son livre, et il constate que cela a donné une notoriété incroyable à Marco Mouly. Ce dernier a réussi à vendre des quotas de carbone grâce à des escroqueries reposant sur le mensonge et le faux. Fabrice Arfi pense que cette histoire peut naturellement être transposée à la fiction, car ces escrocs se sont inventé des vies et ont connu la prospérité grâce à leurs arnaques. Il voit cela comme une façon de rendre à la fiction des personnages qui se sont créés une légende.
Le journalisme dans les films
Fabrice Arfi regrette que la France n’ait pas une culture cinématographique montrant le journalisme tel qu’il est dans la réalité. Il constate que peu de films ont été faits sur le journalisme politique en France, contrairement aux États-Unis. Il souligne l’importance du journalisme dans la démocratie américaine et la culture du fait qui en découle. Il cite des films comme Spotlight et Les Hommes du président comme exemples de films qui montrent la puissance du journalisme. Il estime qu’il y a beaucoup à apprendre du journalisme à travers ces films.
Les leçons apprises
Fabrice Arfi estime que le film Spotlight lui a fait comprendre de nombreuses choses sur le métier de journaliste. Il cite notamment une scène qui illustre la déduction et l’intelligence des situations, qui sont des compétences essentielles pour un journaliste. Il évoque également d’autres films comme Les Trois Jours du Condor et Serpico où le journalisme est présenté comme la solution. Il voit cela comme une manifestation d’un état d’esprit démocratique.
Séries préférées sur le journalisme
Fabrice Arfi fait partie des fans de la série The Wire, qu’il considère comme imbattable. Il apprécie le fait qu’on puisse avoir de la sympathie pour tous les personnages de la série. Il mentionne également la dernière saison de The Wire, intitulée We Own This City, qui est une adaptation fidèle du livre d’un journaliste. Il souligne le rôle du journalisme dans cette série et la représentation précise de la réalité grâce au travail de ce journaliste.
L’affaire Adèle Haenel
Fabrice Arfi revient sur l’affaire Adèle Haenel et souligne le travail exceptionnel de Marine Turchi, une journaliste de Mediapart, sur cette affaire. Il explique que cette émission a marqué un tournant dans l’histoire du journal. Il précise que l’interview filmée d’Adèle Haenel a été très maîtrisée et impressionnante. Il souligne également le rôle de l’enquête de sept mois menée par Marine Turchi, qui a permis de donner une légitimité à cette affaire et de faire bouger les choses dans le milieu du cinéma français.
Le documentaire Depuis Mediapart
Fabrice Arfi parle du documentaire Depuis Mediapart, qui a été tourné pendant la campagne présidentielle de 2017. Il note que certaines parties de la rédaction de Mediapart ne peuvent pas être filmées pour des raisons de protection des sources. Il souligne l’intérêt de ce documentaire, qui interroge la façon dont Mediapart se comporte et qui adopte un point de vue personnel.
Scénarisation des séries documentaires
Fabrice Arfi donne son opinion sur la scénarisation des séries documentaires à gros budget, notamment celles diffusées sur Netflix. Il estime qu’il y a un danger à faire du réel une télé-réalité et à ne penser qu’en termes de « ups and downs » et de cliffhangers. Il rappelle la polémique autour de la série Making a Murderer et souligne l’importance de la rigueur dans le journalisme et le documentaire. Il considère cependant qu’il est intéressant que le journalisme et le documentaire réfléchissent à leur narration et à leur manière de raconter les choses. Il souhaite que les spectateurs soient traités avec intelligence et estime que les émissions comme Cash Investigation et Complément d’enquête montrent qu’il y a une audience pour des sujets complexes en prime time.
Cet entretien complet est à retrouver dans SoFilm n°93.