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Le tribunal des prud’hommes de Bayonne annule les sanctions contre des journalistes de France Bleu Pays basque
L’information a été révélée par le quotidien Sud-Ouest : le tribunal des prud’hommes de Bayonne a annulé les sanctions prises contre quatre journalistes de France Bleu Pays basque pour des comportements présumés sexistes, dans une décision rendue le 2 octobre 2023.
La décision des prud’hommes basée sur une question de délai
La décision des prud’hommes s’est jouée sur une question de délai. La direction de Radio France n’a pas respecté le Code du travail, qui impose d’engager des mesures disciplinaires deux mois au plus tard après révélation des faits fautifs. En l’occurrence, quatre journalistes de la station basque avaient été retirés de l’antenne et un avait été licencié en septembre 2021, plus de cinq mois après la diffusion du documentaire de Marie Portolano, Je ne suis pas une salope, je suis une journaliste, dans lequel témoignait une journaliste passée par la station basque, Amaïa Cazenave.
Le témoignage douteux d’Amaïa Cazenave
Amaïa Cazenave, qui a quitté Radio France en 2021, réclamait des dommages et intérêts à Radio France, affirmant avoir été victime de sexisme au service national des sports et à la locale de Radio Bleu Pays basque. Dans une décision notifiée le 18 septembre 2023, elle a été déboutée en termes particulièrement sévères. Les juges ont considéré que les faits n’étaient pas établis concernant Paris, et que la plaignante avait « grossièrement contribué à l’ambiance de travail sexiste » dont elle prétendait avoir été victime dans la station basque.
« Mal-être collectif » à France Bleu Pays basque
France Bleu Pays basque traversait déjà une période de troubles. Une alerte interne, émise en décembre 2020, évoquait « un mal-être collectif » au sein de cette petite rédaction de dix personnes – quatre femmes et six hommes.
Les rapports sur l’ambiance de travail
Estelle Trégouët, responsable de la qualité de vie au travail à Radio France, avait été chargée d’une inspection. Son rapport, rendu le 10 juin 2021, pointait un problème d’ambiance, qui avait déjà été souligné dans un rapport de 2017, sans mettre le sexisme au cœur du sujet, et sans préconiser de sanction.
Consultante externe, enquête à charge
C’était sans doute un peu trop nuancé aux yeux de la direction de Radio France, qui a chargé une consultante externe de faire une autre enquête. Il s’agissait d’Hélène Latraverse, ancienne juriste à la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde). « Elle n’a entendu personne à France Bleu Pays basque », se désole un journaliste de Radio France, qui dénonce « la gestion désastreuse du dossier » par la direction, pressée, selon lui, « de faire tomber des sanctions pour montrer que le sujet du sexisme était pris au sérieux », au point de perdre de vue le Code du travail et ses délais stricts.
Les sanctions annulées et le licenciement contesté
C’est donc seulement le 17 septembre 2021, cinq mois après avoir eu connaissance des faits présumés, que Radio France a ordonné un blâme et trois mises à pied de quinze jours. Ces sanctions viennent donc d’être annulées. Le licenciement est, lui aussi, contesté aux prud’hommes.
Les juges reconnaissent des « faits avérés » mais relativisent leur gravité
Sur le fond, les prud’hommes de Bayonne sont ambivalents. Ils considèrent qu’il y a des « faits avérés » sur la base des éléments avancés par la direction mais ils relativisent fortement leur gravité. Selon le jugement, les dispenses d’activité avec retrait de l’antenne étaient « manifestement disproportionnées ». Par ailleurs, écrivent les juges, des professionnels de l’information pouvaient difficilement ignorer que l’impact médiatique « dépasserait largement les faits finalement reprochés ».
Accusations mal étayées et précipitation dans les sanctions
Selon une source interne, des journalistes ont été désignés à la vindicte générale, alors que tout pouvait sans doute se régler dans la discrétion. « Il y avait une ambiance de corps de garde dans certaines locales et dans certains services parisiens de Radio France, ce n’est pas un secret. La DRH de Radio France voulait s’attaquer au problème progressivement, par des formations, des rappels, de la sensibilisation. La direction a voulu aller vite, punir pour l’exemple. Voilà le résultat. »
Le 17 septembre 2021, quand Radio France a prononcé ces sanctions tardives, les indices suggérant que la vague #MeToo était peut-être allée trop loin étaient pourtant déjà visibles. Deux semaines plus tôt, le 4 septembre, Les Inrocks avaient été condamnés par les prud’hommes de Paris pour le licenciement d’un de ses journalistes. L’information avait été rendue publique le jour même.
Contactée par Le Point, Radio France n’a pas commenté. Selon Sud-Ouest, l’employeur ne fera pas appel. Les journalistes concernés, qui n’ont pas davantage souhaité s’exprimer, percevront des dommages et intérêts.
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