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Adama Bayala : une disparition mystérieuse
Les circonstances
Le 28 juin après-midi, le journaliste et écrivain Adama Bayala quitte son bureau pour visiter un ami à Ouagadougou. En pleine journée et en circulation, il disparaît soudainement. Un membre de sa famille décrit succinctement la situation : « Injoignable, introuvable ». Ses amis parcourent sans succès la capitale burkinabée dans l’espoir de retrouver sa voiture. Sa famille et ses proches croient qu’il a été enlevé, et laissent des messages de soutien sur son téléphone désormais déconnecté.
Profil et contexte
Adama Bayala est père de deux enfants et est un journaliste connu pour ses critiques du régime d’Ibrahim Traoré, arrivé au pouvoir en 2022 par un coup d’État. Il animait une émission hebdomadaire sur BF1 Télévision. Ses proches le décrivent comme un « homme courageux et loyal, qui défendait ses idées ». Cela faisait plusieurs mois qu’il subissait des menaces et des pressions pour atténuer ses critiques. Deux jours avant sa disparition, des avertissements le concernant circulaient sur les réseaux sociaux.
Série noire
Les journalistes disparus
La disparition d’Adama Bayala n’est pas isolée. Deux autres journalistes ont disparu les 19 et 24 juin. Le premier, Kalifara Séré, chroniqueur sur BF1, avait été interrogé par la police judiciaire après avoir questionné les informations gouvernementales. Quelques jours après, Serge Oulon, journaliste pour la revue d’investigation L’Événement, est enlevé par une dizaine d’hommes à son domicile. Deux des ravisseurs sont revenus pour confisquer son matériel. Ils se présentaient comme membres de l’Agence nationale de renseignement (ANR).
Les conséquences
Le Conseil supérieur de la communication (CSC) a suspendu la publication de L’Événement, ce qui semble indiquer une complicité. Les proches de Serge Oulon pensent que l’ANR cherchait à identifier ses sources après qu’il ait révélé un détournement de fonds dans l’armée burkinabée.
Régime putschiste d’Ibrahim Traoré
Réactions des organisations
Selon Sadibou Marong, directeur de Reporters sans frontières (RSF) en Afrique subsaharienne, les enlèvements pourraient être le fait des services de renseignement. Il dénonce le silence des autorités et les exhorte à réagir. Depuis le coup d’État d’octobre 2022, c’est la première fois que des journalistes sont enlevés au Burkina Faso. Ces faits soulèvent la question d’une éventuelle opération coordonnée.
Contexte sécuritaire
Ces enlèvements interviennent dans un contexte de détérioration sécuritaire au Sahel. Human Rights Watch note une augmentation des violences entre groupes islamistes armés et forces burkinabées, entraînant une intensification des abus. Une enquête récente de Jeune Afrique décrit une « redoutable machine à réprimer » avec des enlèvements, enrôlements militaires forcés, détentions illégales et tortures.
Réduire au silence
Climat de peur
Sadibou Marong dénonce ces pratiques qui instaurent un climat de peur et d’autocensure, mettant en péril la liberté de la presse. De Mali au Niger, la région devient un « vaste trou noir de l’information ». L’objectif semble être de réduire au silence toute presse libre et indépendante.
Le futur des journalistes
Des sources indiquent qu’Adama Bayala et Serge Oulon seraient en détention et toujours en vie. Kalifara Séré aurait été envoyé dans un centre d’enrôlement militaire. Malgré cela, des journalistes à Ouagadougou affirment qu’ils continueront leur métier et restent fidèles aux valeurs du journalisme. « Nous n’abandonnerons pas », déclare l’un d’entre eux.