Sommaire :
Impact de la Crise sur le Secteur Audiovisuel en Nouvelle-Calédonie
La crise actuelle frappe sévèrement tous les secteurs de Nouvelle-Calédonie depuis plus de deux mois. Le domaine de l’audiovisuel est particulièrement touché, avec environ 160 professionnels majoritairement à l’arrêt. Annulations ou reports de tournages, interdictions de déplacement et surtout absence de financements soulèvent la question de la survie de cette filière.
Retour sur les Événements
Beaucoup auraient souhaité que la situation chaotique en Nouvelle-Calédonie ne soit qu’une fiction, mais il s’agit bien de la réalité. Du jour au lendemain, des dizaines de tournages furent annulés ou reportés, plongeant de nombreux travailleurs indépendants dans des difficultés financières.
Témoignages de Professionnels de l’Audiovisuel
Benjamin Lucas, Chef Opérateur et Réalisateur
Le lundi 13 mai, Benjamin Lucas se trouvait à Bourail, en plein tournage sous-marin pour une société de production locale. Mais tout a changé brutalement. Prévu pour plusieurs jours, son planning incluait un autre tournage à Oundjo, Voh, qui n’a finalement pas pu se concrétiser.
80 % des tournages sur lesquels j’étais prévu cette année sont annulés ou en attente. J’ai fait la demande d’aide à la province Sud mais je n’étais pas éligible. J’ai fait une demande d’aide pour le Fonds de solidarité de l’Etat et j’attends toujours une réponse.
Benjamin Lucas, chef opérateur
Benjamin Lucas, indépendant depuis huit ans, confie n’avoir jamais vécu une telle situation. En temps normal, il tourne en moyenne entre dix et quinze jours par mois. La crise actuelle perturbe grandement son activité.
Robin Gorget, Ingénieur du Son
Pour Robin Gorget, ingénieur du son de trente ans, la situation est similaire. Avec 90% de ses revenus dépendant de ses prestations en freelance, il prévoyait une bonne situation en 2024. Cependant, des engagements tels qu’un tournage en mai ont été annulés, mettant en péril ses perspectives.
Le 13 mai, nombreux sont ceux qui, comme Elise Dutheil maquilleuse professionnelle et assistante réalisatrice, ont vu leur situation s’effondrer :
En deux coups de téléphone, j’ai perdu neuf mois de travail.
Elise Dutheil, maquilleuse professionnelle
Conséquences pour les Sociétés de Production
Valérie Jauneau Hmana, Directrice Éditoriale de NC la 1ère
Les annulations et reports de tournages obligent les diffuseurs à revoir leurs grilles de programmes. Pour Valérie Jauneau Hmana, directrice éditoriale de NC la 1ère, l’adaptation est le mot d’ordre :
On prend des documentaires pas encore diffusés pour garantir notre sécurité de diffusion. C’est une filière que nous devons soutenir.
Valérie Jauneau Hmana, directrice éditoriale de NC la 1ère
Grâce à un bon niveau de production et des équipes qualifiées, NC la 1ère tente de maintenir une continuité dans la diffusion malgré les difficultés.
Catherine Marconnet, Productrice
La crise a particulièrement affecté les sociétés de production locales. Catherine Marconnet, productrice chez Archipel Production, explique que plusieurs sociétés ont perdu leurs locaux et d’autres sont coupées du reste du territoire :
On ne peut plus filmer. Les déplacements sont impossibles et tout tombe à l’eau.
Catherine Marconnet, Archipel Production
Elisabeth Auplat de Bluegreen Production décrit également une situation dramatique avec des pertes de locaux et des arrêts d’activités. Le manque de financement compromet la poursuite des projets.
Nous mettrons beaucoup de monde à la rue, ce sont des gens qualifiés sans autres ressources.
Elisabeth Auplat, productrice et réalisatrice
Le Rôle des Financements et Instruments de Soutien
Le Fonds Audiovisuel et Cinématographique de Nouvelle-Calédonie (FAC NC)
La majorité des financements pour la production de films provient des diffuseurs et du Fonds audiovisuel et cinématographique de Nouvelle-Calédonie, gérés par le gouvernement local.
Entre 2017 et 2020, 557 millions de francs d’aides ont permis de générer 1,7 milliard de retombées locales. Les commissions de financements, tenues en avril et octobre, sont cruciales pour la survie de ces sociétés.
Yoann Lecourieux, Membre du Gouvernement
Yoann Lecourieux, membre du gouvernement en charge de l’audiovisuel, indique que la priorité actuelle est de finaliser les aides de la première commission. Mais l’arrêté n’a pas encore été pris, laissant les sociétés dans l’incertitude.
Pour les acteurs de la filière, une deuxième commission est attendue avec impatience, même si la situation actuelle ralentit tous les processus habituels.
Perspectives pour l’Avenir de la Filière Audiovisuelle
BAT : Bureau d’Accueil de Tournages
Le Bureau d’accueil de tournages (BAT) joue un rôle important en accompagnant les productions en Nouvelle-Calédonie. Toutefois, les incertitudes actuelles freinent les productions locales et internationales.
Bénédicte Vernier, responsable du BAT, demeure optimiste quant à la résilience des producteurs locaux malgré les obstacles présents.
Collaboration avec le CNC
Certains producteurs envisagent des co-productions avec des entreprises métropolitaines pour bénéficier des aides du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), mais cette solution reste complexe à mettre en œuvre.
Il est essentiel de continuer cette filière pour offrir des créations inspirantes et soutenir l’économie locale.
Elisabeth Auplat, productrice et réalisatrice