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Madeleine Chapsal : une vie multiple et paradoxale
La vie de Madeleine Chapsal, qui est morte mardi 12 mars, n’a pas seulement été longue – elle aurait eu 99 ans, le 1er septembre –, elle a été multiple, paradoxale – et pas uniquement parce qu’elle s’est remariée à 93 ans. La brillante journaliste littéraire qu’elle a été à L’Express, interviewant les plus grands écrivains du XXe siècle, ne laissait en rien présager l’auteure de best-sellers plébiscités par les femmes qu’elle est devenue après ses 60 ans.
Son parcours familial et sa rencontre avec Jean-Jacques Servan-Schreiber
Tout avait donc commencé le 1er septembre 1925, dans le 16e arrondissement de Paris. Son père, Robert Chapsal, est conseiller référendaire à la Cour des comptes, sa mère, Marcelle Chaumont, travaille dans la haute couture, notamment chez Madeleine Vionnet, ce que Madeleine Chapsal racontera dans Madeleine Vionnet, ma mère et moi (Michel Lafon, 2010). Son grand-père, Fernand Chapsal, a été maire de Saintes (Charente-Maritime) – une rue porte son nom – où sa petite-fille a longtemps possédé une maison. Ses parents divorcent quand elle a 7 ans.
Mais l’aventure qu’a été sa vie débute vraiment un jour de 1942, à Megève, en Haute-Savoie. Sa tante, juive, s’y est installée et l’a emmenée avec elle. Là, elle rencontre un jeune homme de 18 ans, réfugié avec sa famille, qui se prépare à rejoindre de Gaulle à Londres. Il s’appelle Jean-Jacques Servan-Schreiber et leur coup de foudre ne sera pas éphémère : ils se marient en 1947. Elle a 22 ans, lui 23. Avec lui, devenu pour tout le monde « JJSS », et Françoise Giroud, elle s’embarque dans ce qui lui paraît être une sorte d’épopée : la création d’un journal. Le premier numéro de L’Express sort le 16 mai 1953.
Premier roman à 48 ans
Françoise Giroud ne se contente pas de travailler avec « JJSS ». Elle affirmera avoir gardé de bonnes relations avec son ex-mari, comme avec Françoise Giroud, « une grande journaliste, mais pas un écrivain »… Elle savait aussi que Jean-Jacques Servan-Schreiber voulait des enfants, et elle ne pouvait pas en avoir. Cette stérilité, évoquée dans plusieurs de ses livres, elle en parle dans un long entretien à Marie-Claire, en 1987 : « On dit souvent : “La pauvre, elle est stérile !” Mais la stérilité, ça fait des femmes d’une autre espèce, surtout si elles acceptent. Ça fait des femmes libres qui, en fait, attirent à la fois terriblement les hommes et leur font peur. Ça fait aussi des mères refoulées. »
A L’Express, elle a passé vingt-cinq années. Elle y a fait des entretiens exceptionnels avec des écrivains. Les plus importants ont été rassemblés dans Les Ecrivains en personne (1960), puis Quinze écrivains, en 1963 (tous deux chez Julliard). On y rencontre Mauriac, Beauvoir, Duras, Breton, mais aussi Borges, Capote, Miller, Styron… Madeleine Chapsal manie avec brio l’art de l’interview. Tous se confient à elle, parfois de manière intime. Avec elle, ils parlent d’eux-mêmes et de leur relation à l’écriture de manière singulière, comme rarement ailleurs.