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Entretien avec Yannis Kadari, historien et fondateur/dirigeant du groupe de presse Caraktère
Présentation de Yannis Kadari
Yannis Kadari est historien, conférencier, auteur et éditeur. En juin 2003, il crée sa société Caraktère et lance sept magazines spécialisés, dont cinq sont toujours en activité. Il est également l’auteur de 70 livres et a dirigé une collection de biographies aux éditions Perrin. En parallèle, il administre des entreprises dans le domaine de la presse et de l’édition à l’étranger.
Les motivations de Yannis Kadari pour son engagement dans le milieu de la presse
Yannis Kadari explique que sa passion pour les grands conflits du XXe siècle l’a poussé à devenir éditeur de presse. Après des rencontres qui ont bouleversé sa trajectoire professionnelle, il se lance dans cette aventure en 2003. Il découvre alors un monde particulier, avec son jargon, ses rapports de force et un rythme de travail soutenu. Il évoque également l’interventionnisme de l’État français dans ce secteur.
Réflexion sur la possibilité de recommencer cette aventure aujourd’hui
Interrogé sur la possibilité de recommencer aujourd’hui dans le secteur de la presse, Yannis Kadari affirme que les conditions pour réussir ne sont plus réunies selon lui. S’il avait la possibilité de revenir en arrière, il referait cette expérience en s’y prenant différemment. Cependant, dans le contexte actuel, il ne serait pas tenté par cette aventure.
Fonctionnement de la presse écrite
Yannis Kadari explique que les journaux et les magazines sont livrés à des messageries de presse, qui organisent la distribution vers les points de vente. Ces messageries sont des coopératives qui gèrent les flux financiers et logistiques, en prélevant un pourcentage sur les ventes des éditeurs. La presse est un écosystème complexe qui implique de nombreuses entreprises et emploie des milliers de personnes. Il précise notamment le rôle des imprimeurs, des relecteurs-correcteurs et des infographistes.
Évolution de la presse en France depuis 2003
Yannis Kadari constate une baisse de valeur ajoutée de la presse écrite, passant de 6,2 milliards d’euros en 2010 à 4,4 milliards d’euros en 2020. Pour les journaux, les tirages ont été divisés par trois au cours des dix dernières années. Quant aux magazines indépendants, les ventes, les abonnements et les recettes publicitaires sont en baisse. De plus, le réseau de distribution traditionnel a perdu plus de 30 % de ses points de vente. Il évoque également la faillite de la messagerie Presstalis en 2020, qui a fragilisé le secteur de la presse indépendante.
Perspectives pour la presse indépendante en France
Yannis Kadari est pessimiste quant aux perspectives de la presse indépendante. Il constate une baisse de la diffusion et estime que les mesures de régulation mises en place, notamment en matière de distribution, vont contribuer à la disparition de nombreux titres. Il souligne que la presse IGP (Information Générale et Politique) bénéficie de subventions et jouit d’un droit absolu à la distribution, ce qui n’est pas le cas de la presse indépendante.
Numérisation des contenus et impact sur les ventes
Yannis Kadari reconnaît que l’écran est devenu prépondérant, mais explique que la numérisation des contenus n’a pas été un succès pour les magazines spécialisés indépendants. Les lecteurs préfèrent les blogs, les podcasts et les vidéos. Il constate que la lecture d’articles sur un petit écran est difficile, favorisant ainsi le développement de contenus audio. Cependant, il souligne que la qualité des contenus peut être altérée et que la gratuité de ces contenus a un impact sur la rentabilité.
[1] Les subventions sont réservées aux titres de la presse IGP (Information Générale et Politique) et excluent donc la majorité des magazines indépendants. Par exemple, le titre le plus aidé en 2021 est « Aujourd’hui en France/Le Parisien » avec 13,5 millions d’euros de subventions.
[2] La presse magazine indépendante doit participer financièrement à la distribution des journaux quotidiens pour des raisons de péréquation.
[3] L’ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse) est une autorité administrative indépendante chargée de réguler ces secteurs. Les membres de son collège sont nommés par différentes instances politiques.