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Les années 50 : la décennie explorée en cinq épisodes avec les archives et Hélène Legrais
Les années 50, c’est la décennie que nous explorons en cinq épisodes avec les archives et en compagnie d’Hélène Legrais. Nous sommes au milieu du XXe siècle avec la presse écrite comme premier sujet.
Le journal « L’Indépendant des Pyrénées Orientales »
Dites-nous tout : l’Indépendant avait disparu ?
Momentanément. Comme vous le savez sans doute, L’Indépendant des Pyrénées Orientales a été fondé à Perpignan le 1er janvier 1846 pour soutenir la candidature de François Arago aux législatives. Il paraît sans interruption jusqu’à la Libération. Mais comme il a continué à paraître sous Vichy et pendant l’Occupation, il est interdit et remplacé par « Le Républicain du Midi », une émanation du Comité départemental de Libération. Le journal compte 6 pages : en 1950, on trouve en Une de la politique, nationale et internationale, et des faits divers dont les titres semblent avoir été écrits par Michel Audiard : « Coco-bel-œil et Doudou-le-Gaffeur s’expliquent à coups de marteau et de hachoir pour les beaux yeux de Mado », « La fausse nièce du général Marshall était une belle aventurière », « Le GI qui étrangla Lily la Hongroise jugé hier à Paris » … A l’intérieur du journal, des articles, souvent techniques, sur la viticulture, les spectacles et les manifestations culturelles sans oublier un feuilleton sentimental : « Les chaussons rouges », « Véronica », « Dernier amour » … et en dernière page, le sport : le football, le rugby, le « néo-rugby », c’est ainsi qu’on appelle le XIII, le cyclisme et la boxe essentiellement. Et ce, jusqu’au 17 avril 1950 …
La renaissance du journal
Que se passe-t-il à cette date-là ?
Le journal a bénéficié d’un non-lieu en justice, il est lavé de tout soupçon. Il va donc pouvoir reparaître. Mais un conflit éclate au sein de la Société des Arts graphiques du Midi qui exploite le quotidien. Autour de Paul Chichet, les « historiques » précipitent les choses et le 18 avril 1950, exit le Républicain, le journal paraît sous l’intitulé « L’Indépendant du matin ». Titre suffisamment proche pour qu’on le reconnaisse mais un peu différent pour ne pas risquer une nouvelle interdiction. Il n’a que 4 pages (d’où peut-être un certain slogan moqueur), l’équipe éditoriale prend les devants dans un encadré en première page : « Nous nous excusons auprès de nos lecteurs si notre formule ne leur paraît pas tout à fait au point et s’il y a quelques imperfections dans la présentation du journal. Cela tient uniquement au fait que nous devons paraître précipitamment ». En page 2, Paul Chichet en appelle aux mânes de son père Edouard, ancien combattant de la Grande guerre, qui fut président de l’Indépendant et de Georges Brousse, directeur du journal pour sa part, assassiné par les SS le 15 avril 1945 au camp de concentration de Flossenbürg en Bavière, pour pourfendre « les basses manœuvres politiques, les interprétations tendancieuses d’une législation obscure et contradictoire, les faux grands hommes qui se donnent des airs de justiciers » mais qui n’auront pas empêché l’Indépendant de « fournir l’éclatante preuve de son patriotisme et de l’action qu’il a inlassablement menée, à ses risques, contre l’oppression nazie ».
Le retour de « L’Indépendant »
Le lendemain, une mosaïque de photos montrant des lecteurs plongés avec délice dans leur journal retrouvé : un pépiniériste de St Feliu d’Avall, un chauffeur de taxi perpignanais … même le dessinateur Bellus s’y met en caricaturant la statue d’Arago, sur la place du même nom, se penchant pour héler le crieur de journaux : « Psitttt, l’Indépendant ! » Au fil des semaines, « l’Indépendant du matin » s’étoffe jusqu’à atteindre 6 pages et même 8 le dimanche. La maquette évolue avec une hiérarchisation de l’information, des titres plus visibles. Et le 1er août, le « du matin » disparaît ni vu ni connu ; l’Indépendant, tout court, est de retour !